Seuls les poissons morts suivent le courant
Il y a quelque chose de rassurant dans le courant. Il berce, il emporte, il dispense de choisir. On s’y laisse aller, porté par la masse, tranquille dans l’oubli de soi. Le monde aime cela : que vous suiviez, que vous soyez fluides, adaptables, intégrés. Mais au fond, ce n’est pas vivre. C’est glisser vers l’aval, sans résistance.
Car il faut être vivant pour s’arracher au courant.
Il faut du nerf pour dire non quand tout pousse à dire oui. Il faut de l’axe pour nager de travers, pour heurter les lignes, pour rompre le flux. Cela ne donne ni gloire ni confort. Cela isole parfois. Mais cela rend au sang sa couleur, au regard sa netteté, et à la vie sa brûlure. Il ne s’agit pas d’être contre par principe, mais d’être pour ce qui ne cède pas. Pour ce qui exige un effort. Pour ce qui demande à tenir.
Un jour vient où vous ne pouvez plus vous laisser faire. En surface vous faites mine de ne pas savoir pourquoi, mais vous savez que c’est fini. Finies les concessions muettes. Fini le confort mortifère.
Vous vous levez.
Et là, quelque chose commence.
Vous avez quitté le courant.