Se tenir dans l'époque

On me demande parfois quelle position adopter, dans ce monde qui vacille.
Une interrogation qui mériterait une déclinaison bien plus fournie que celle que je vais tenter de vous offrir.

Il sera, hélas, difficile de ne pas verser dans une motivation trop basique ou trop caricaturale. Et une fois de plus, il appartient à chacun de savoir.
Une des réponses possibles, ni spectaculaire, ni rassurante, est qu’il faille apprendre à tenir.
Non par obstination ou par orgueil, mais parce que céder à l’époque a un coût.
Et ce coût, c’est la trahison de soi-même.

Ce monde célèbre le flou, récompense la mollesse, valorise la confusion.
Il suffit d’un petit pas de côté, d’un compromis discret, pour rejoindre la masse et s’y dissoudre.
Mais ce petit pas-là, quand il devient réflexe, coûte bien plus qu’il ne soulage.

Car pour épouser les formes molles de l’époque, il faut tordre sa propre structure intérieure.
Et tôt ou tard, c’est elle qui cède.

Alors non, je ne crois pas qu’il faille hurler contre le temps même s’il m’arrive de le faire parfois.
Je crois simplement qu’il faut s’y tenir : debout, lucide.

J’irai même plus loin : cette époque médiocre est une chance, un révélateur.
Elle ne propose plus aucun modèle enviable,
plus aucune illusion collective,
plus rien à sauver dans ce qui nous est vendu.

Et c’est justement cela qui libère.
Car dès lors, tout ce qui compte se joue en dedans.

Pendant que d’autres s’agitent, affichent, dénoncent ou se diluent, travaillez sur ce qui tient.
Sur ce qui résiste au vacarme.
La médiocrité ambiante est une couverture idéale pour ceux qui avancent sans bruit.

Ne cherchez pas à convaincre.
Ne cherchez pas à plaire.
Tâchez autant que faire se peut de ne pas vous altérer.